Vendredi – 16h45. Je termine une consultation avec N. un adolescent de 16 ans qui vient me voir pour la 1ère fois. Il est là devant moi, à tenir, fort et fragile. J’ai l’impression qu’il retient de toutes ses forces d’enfant bien élevé qui cherche à faire bonne figure ses tourments dont il ne sait plus s’ils sont normaux ou pas.
Ses parents sont séparés. Sa maman souffre de problèmes d’addiction et son papa a fait une dépression il y a 18 mois.
Nous n’avons pas eu le temps d’aborder d’autres points, je me suis simplement assurée qu’il avait des ami-e-s. Il me parle de tout cela dans une forme de normalité. C’est peut être le pire, cette espèce d’habituation aux fracas du monde. Je sens les larmes qui poussent fort.
Le mot « éducation » résonne dans ma tête. J’ai envie d’alerter nos politiques pour dire qu’il faut réformer l’éducation à la lumière des progrès faits en neurosciences, éduquer les adultes aussi.
Expliquer les mécanismes de l’attachement, comment les traumas, les négligences, ou plus insidieux, toutes les violences ordinaires (« qu’est ce que tu peux être bête », « t’es pas gentil », « tu es vraiment insupportable») impactent négativement la construction du cerveau et peuvent avoir des effets délétères parfois irréversibles, et entretiennent des schémas dans la manière de construire une manière d’être au monde (soumission, domination, méfiance, compétition). Il faudrait peut être enseigner cela aussi.
Dire que ce serait bien que tous les enfants et adolescents commencent leur journée par du yoga ou de la respiration, que peut être ce n’est pas très grave si à 16 ou 17 ans ils ne savent pas ce qu’ils veulent faire dans la vie, Parcours sup peut attendre un peu, leur laisser leur temps pour se construire en tant qu’adultes.
Mais déjà, ça sonne et s’installe devant moi L. 36 ans, et ses attaques de panique, qui se sont engouffrées insidieusement dans les routes de l’ultra compétitivité. Pleurer attendra…
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