« Quand vous m’évoquez tout cela, ça me semble chargé… », suis je en train de dire à mon patient qui me déroule l’archi trop plein de sa vie. De mon côté, j’étouffe, le plexus solaire serre, je me dis intérieurement qu’il y a bien trop de faire mais je sais aussi que si je reste à cet endroit là je ne l’aiderai pas à prendre conscience de ce qu’il est en train de vivre. Je ne ferai que valider que « oui, c’est difficile (impossible) ce que vous vivez ». Il le sait d’ailleurs même s’il ne le conscientise pas tout à fait ainsi.
Si je reste à cet endroit là, je ne le rejoindrai pas dans son vécu, il y a de grandes chances qu’il continue à se sentir seul et démuni. Bien sûr, lui est à l’écoute de l’efficacité et de l’utilité. Moi du sensible. Lui avec ses bras, pour faire – Moi avec mon corps, pour sentir.
A bout de souffle, d’énergie, il s’agrippe au contrôle et à essayer de maîtriser du mieux qu’il peut avec ce qu’il lui reste de forces.
J’entreprends de « défocaliser » mon écoute du contenu, ne pas tomber dans ce piège là, j’entreprends devenir le miroir sensoriel du processus qu’il est en train de décrire. Constituer un champ nouveau pour lui, devenir ainsi le porte-parole de ses émotions, lui offrir un vocabulaire émotionnel qu’il n’a pas, et l’aider à constituer ce registre.
Dans nos sociétés et nos éducations, nous sommes experts en « faire » et en « tenir », jusqu’à l’épuisement, la culpabilité et la honte parfois. Nous faisons tout pour garder nos univers par peur de nous sentir exclus, jusqu’à nous couper d’une partie de notre humanité. A cet endroit de l’écoute, les séances permettent cela : retrouver une humanité partagée.
Avec, en fond, la question essentielle : comment mettre en place des modes de vie plus respectueux de qui nous sommes ?
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